L’émergence du COVID-19 début 2020 et son expansion depuis lors ont affecté l’activité économique du premier trimestre 2020 de la majeure partie des entreprises.

Sont présentées ci-après les implications comptables de cette épidémie pour les entités arrêtant leurs comptes :

– au 31 décembre 2019,

– et postérieurement (janvier, février, mars… 2020).

Par PwC, auteur du Mémento Comptable.

Les textes applicables

Selon le Code de commerce (art. L 123-20), il doit être tenu compte des passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même s’ils sont connus entre la date de la clôture de l’exercice et celle de l’établissement des comptes.

En ce qui concerne les événements postérieurs à la clôture susceptibles de générer des charges, le PCG distingue les deux cas suivants :

– l’événement est lié à des conditions existant à la date de clôture (art. 513-4) : si tel est le cas, les comptes doivent être ajustés en fonction de ces événements postérieurs ; en effet, ils procurent des informations permettant de mieux calculer la valeur des éléments de l’actif ou du passif de l’entreprise existant à la clôture de l’exercice (en ce sens, à notre avis, Avis CNC dans Bull. n° 58, 1er trimestre 1984) ;

– ou l’événement n’est pas lié à des conditions existant à la date de clôture (art. 833-2) : si tel est le cas, il n’y a pas d’incidence sur le bilan et le compte de résultat, les comptes n’ayant pas à être modifiés.

Selon la CNCC (Note d’information NI.II « Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.3), il est tenu compte de l’importance relative des événements enregistrés (sur cette notion, voir Mémento Comptable 8260) :

– par l’entreprise pour décider du traitement comptable des événements postérieurs ;

– et par le commissaire aux comptes lors de la mise en œuvre de ses diligences relatives au contrôle des événements postérieurs (voir Mémento Comptable 52445).

Entités arrêtant leurs comptes au 31 décembre 2019

1. Le Covid-19 est-il un événement post-clôture lié à des conditions existant à la date de clôture, de nature à ajuster les comptes ?

Non. Comme rappelé ci-avant, seul un événement lié à des conditions existant à la date de clôture nécessite un ajustement des comptes. Or, au 31 décembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé ne signalait qu’un nombre limité de personnes atteintes d’un virus inconnu. Il n’y avait aucune preuve scientifique de transmission interhumaine à cette date.

La propagation ultérieure du virus et son identification en tant que nouveau Covid-19 (« Covid-2019 ») ne fournissent pas d’éléments complémentaires d’appréciation de la situation qui existait au 31 décembre 2019. Ce sont des éléments nouveaux apparus en janvier 2020. Il s’agit donc d’événements non liés à des conditions existant à la date de clôture qui ne sont pas de nature à nécessiter un ajustement des comptes.

2. L’évaluation des actifs et passifs doit-elle refléter les conséquences de cet événement post-clôture ?

Non. Les comptes ne devant pas être ajustés, l’évaluation des actifs et des passifs doit refléter uniquement les conditions qui existaient à la date de clôture, sans tenir compte de l’évolution ultérieure de la situation.

En revanche, une information doit être donnée en annexe sur l’impact post-clôture de l’évolution du Covid-19 sur la valeur comptable de ces actifs et passifs (voir ci-après).

Attention ! Dans certains cas, les événements postérieurs à la clôture apportent des informations complémentaires permettant de lever certaines incertitudes qui existaient déjà à la date de clôture. Une appréciation au cas par cas peut donc s’avérer nécessaire dans certaines situations. Par exemple, à notre avis :

– la faillite d’un client après la date de clôture peut refléter des problèmes existant déjà avant la propagation du Covid-19 et que celle-ci a précipités.

– un stock d’invendus constaté après la clôture peut refléter des problèmes de qualité ou de quantité existant déjà avant la propagation du Covid-19.

Dans ces cas, les comptes au 31 décembre 2019 devront bien être impactés.

En revanche, la braderie annuelle d’un stock de produits soumis aux aléas de la mode, pour sa part allant au-delà de la décote habituellement observée ou anticipée à la date de clôture, reste un événement post clôture sans lien avec les conditions existant à la clôture.

3. Quelle information donner en annexe ?

S’ils sont significatifs (PCG art. 833-1), les événements post-clôture non liés à des conditions existant à la date de clôture et ne donnant donc pas lieu à un ajustement des états financiers nécessitent une information en annexe (PCG art. 833-2/1).

L’information à donner doit être claire et spécifique à l’entité. Elle doit inclure la nature de l’événement, ainsi qu’une estimation de son impact sur les comptes s’il peut être déterminé.

Au cas particulier, les sociétés pourront donc présenter en annexe, lorsqu’il aura pu être déterminé, l’impact post-clôture de l’évolution du Covid-19, notamment sur (liste non exhaustive) :

– la valeur comptable des actifs. Sont par exemple concernés :

– les immobilisations corporelles et incorporelles ;

– et les participations ;

_ (voir notre article « Immobilisations corporelles, incorporelles et financières : comment les évaluer en période de crise ? ») ;

_ les stocks (voir notre article « Volatilité des cours de bourse : quelles conséquences sur les VMP et matières cotées ? ») ;

_ les créances clients ;

_ les valeurs mobilières de placement  (voir notre article précité) ;

_ les impôts différés actifs ;

_ les instruments dérivés évalués à la juste valeur (positions ouvertes isolées) ;

_ l’estimation des passifs :

_ les moins-values attendues au titre de l’actionnariat salariés et les provisions pour primes exceptionnelles (revues à la baisse)

_ les pertes d’exploitation futures, la sous-activité, les marges négatives sur contrat… (revue à la hausse) ;

– le chiffre d’affaires ;

– les « covenants » bancaires ;

– le coût du chômage partiel…

Si les entreprises ne sont pas en mesure de chiffrer les impacts, l’indication qu’aucune estimation ne peut être faite devra être donnée en annexe. Il devra en outre être confirmé que la continuité d’exploitation n’est pas remise en cause.

A minima, l’information suivante devra être donnée : « Les états financiers de l’entité ont été préparés sur la base de la continuité de l’activité. Les activités ont commencé à être affectées par COVID-19 au premier trimestre 2020 et l’entité s’attend à un impact négatif sur ses états financiers en 2020. La société, compte tenu du caractère récent de l’épidémie et des mesures annoncées par le gouvernement pour aider les entreprises, n’est toutefois pas en capacité d’en apprécier l’impact chiffré éventuel. A la date d’arrêté des comptes par le conseil d’administration des états financiers 2019 de l’entité, la direction de l’entité n’a pas connaissance d’incertitudes significatives qui remette en cause la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation ».

Si l’événement remet en cause la continuité de l’exploitation, voir ci-après.

4. Quelle information donner dans le rapport de gestion et à l’assemblée générale d’approbation des comptes ?

Selon l’article L 232-1 du Code de commerce, le rapport de gestion expose les événements importants entre la date de la clôture de l’exercice et la date à laquelle il est établi. Les principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée doivent également être mentionnés dans le rapport de gestion des SA, SCA, SARL et SNC (C. com. art. L 225-100-1). Ces articles concernent tous les événements post-clôture, qu’ils aient ou non un lien direct avec les conditions existant à la date de clôture (en ce sens Bull. CNCC n° 157, mars 2010, EC 2009-58, p. 225 s.).

La dégradation de la situation entre la date d’établissement du rapport de gestion et celle de l’assemblée générale doit également faire l’objet d’une communication « appropriée » à l’organe appelé à statuer sur les comptes (Note d’information CNCC NI. II « Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.221). Aucun texte ne précise toutefois quel est l’organe compétent en charge de cette communication, ni la forme qu’elle doit prendre, écrite ou orale (Bull. n° 163, septembre 2011, CNP 2010-19, p. 585).

Pour plus de détails sur l’information financière à fournir par les sociétés cotées au titre de l’information permanente et périodique, voir ce Feuillet rapide comptable, inf. 5.

5. Si la continuité d’exploitation est compromise du fait du Covid-19, les comptes doivent-ils être établis en valeurs liquidatives ?

Non

En l’absence de règle spécifique en cas de remise en cause de la continuité d’exploitation avant la date d’arrêté des comptes, c’est le traitement défini par le PCG en cas de survenance d’un événement postérieurement à la clôture de l’exercice (voir ci-avant) qui s’applique. En conséquence, les incidences diffèrent selon que l’événement postérieur a ou non un lien direct prépondérant avec une situation existant à la clôture de l’exercice (en ce sens, Bull. CNCC n° 172, décembre 2013, EC 2013-45, p. 664 s.).

Ainsi, si le Covid-19 n’a aucun lien direct avec la situation existant à la clôture de l’exercice (parce que la continuité d’exploitation n’était pas déjà compromise à la clôture 2019), les comptes n’ont pas à être modifiés et une information en annexe est obligatoire.

Cette information doit à notre avis, outre la nature de l’événement, présenter des comptes simplifiés établis en valeurs liquidatives.

Si la direction n’estime qu’après la date d’arrêté des comptes que la continuité d’exploitation est compromise, la CNCC a déjà indiqué que, sauf à procéder à un nouvel arrêté, l’entreprise doit faire une communication appropriée à l’organe appelé à statuer sur les comptes (voir ci-avant).

Notons que les normes IFRS, au contraire, prévoient expressément le cas de la remise en cause de la continuité d’exploitation en créant une règle spécifique dérogatoire au principe général des non « adjusting events », en l’absence de lien direct avec une situation existant à la clôture de l’exercice. Ainsi, même si le Covid-19 n’a aucun lien direct avec la situation existant à la clôture de l’exercice, les sociétés doivent, dans le cadre de leurs arrêtés comptables 2019, tenir compte de ses conséquences lorsqu’elles remettent en cause le principe de continuité de l’exploitation.

A l’inverse, les textes législatifs et comptables français ne définissent pas les situations dans lesquelles les états financiers d’une entité ne peuvent plus être établis selon le principe de continuité de l’exploitation. Ainsi, ce sont les règles générales en cas de survenance d’un événement postérieur à la clôture de l’exercice qui s’appliquent. Il n’y a pas de traitement dérogatoire en cas de remise en cause de la continuité d’exploitation.

Est-ce que l’absence de texte spécifique dans le PCG suffit à expliquer la divergence entre les référentiels ? Oui. Cette divergence est-elle justifiée du point de vue de la bonne information des tiers ? Sans doute pas. D’ailleurs, l’ANC a été saisie par la CNCC en 2009 d’une question sur les conséquences de l’abandon du principe de continuité de l’exploitation sur les états financiers établis selon les principes comptables français (comptes individuels et consolidés). Pour plus de détails : voir le Feuillet Rapide comptable 4/20, inf. 7.

Nous reviendrons dans un prochain article sur l’appréciation de la continuité d’exploitation à la date d’arrêté des comptes. Des discussions sont également en cours à la CNCC sur ce sujet.

Comme indiqué ci-avant, les normes IFRS prévoient expressément le cas de la remise en cause de la continuité d’exploitation en créant une règle spécifique dérogatoire au principe général des non « adjusting events », en l’absence de lien direct avec une situation existant à la clôture de l’exercice.

A l’inverse, les textes législatifs et comptables français ne définissent pas les situations dans lesquelles les états financiers d’une entité ne peuvent plus être établis selon le principe de continuité de l’exploitation. Ainsi, ce sont les règles générales en cas de survenance d’un événement postérieur à la clôture de l’exercice qui s’appliquent. Il n’y a pas de traitement dérogatoire en cas de remise en cause de la continuité d’exploitation.

Est-ce que l’absence de texte spécifique dans le PCG suffit à expliquer la divergence entre les référentiels ? Oui. Cette divergence est-elle justifiée du point de vue de la bonne information des tiers ? Sans doute pas. D’ailleurs, l’ANC a été saisie par la CNCC en 2009 d’une question sur les conséquences de l’abandon du principe de continuité de l’exploitation sur les états financiers établis selon les principes comptables français (comptes individuels et consolidés). Pour plus de détails, voir ce Feuillet Rapide comptable, inf. 7.

Entités arrêtant leurs comptes postérieurement au 31 décembre 2019

Les entités clôturant leurs comptes à compter de janvier 2020 devront prendre en considération les conséquences de cette épidémie dans le cadre de leurs arrêtés comptables (évaluation des actifs financiers et des impôts différés, dépréciation d’actifs corporels et incorporels, valorisation des stocks…) :

– en tant qu’événement de l’exercice, pour ce qui est de la situation à la clôture ;

– en tant qu’événement postérieur à la clôture, en lien avec les conditions existant à la clôture, pour ce qui est de l’évolution continue des informations liées à la propagation du virus susceptibles de générer des impacts sur les comptes et aux mesures gouvernementales de réponse.

Sont concernées les clôtures postérieures au 30 janvier.

En effet, dans un premier temps, l’OMS n’a pas déclaré l’état d’urgence de santé publique de portée internationale, mais a simplement alerté la Chine et les autres membres de l’OMS sur la situation et les mesures qui étaient à prendre. L’OMS a ensuite confirmé la transmission interhumaine du virus le 23 janvier 2020, puis prononcé l’état d’urgence sanitaire le 30 janvier 2020.