Un décret paru le 25 mars précise les conditions pour bénéficier d’une subvention complémentaire au fonds de solidarité des entreprises. Pour y être éligible, il faut notamment être en perte brute d’exploitation (EBE négatif), subir une baisse d’activité d’au moins 50 % et avoir réalisé un chiffre d’affaires mensuel supérieur à 1 million d’euros (sauf cas particuliers). L’aide versée pourra être réduite s’il s’avère in fine que le résultat net comptable est supérieur à l’EBE.

Le fonds de solidarité ne suffit pas toujours à couvrir les charges fixes des entreprises touchées par la crise. C’est sur ce constat que le gouvernement met en place une aide complémentaire qui est accordée par bimestre — à la différence du fonds de solidarité qui est alloué par mois. Paru hier, le décret n° 2021-310 fixe les conditions pour bénéficier de ce dispositif prévu a priori pour la période du 1er semestre 2021.

Complexe, ce dispositif nécessite de satisfaire à plusieurs conditions que nous détaillons ci-dessous. Parmi elles, celles d’avoir subi une perte brute d’exploitation, c’est à dire un « excédent »   brut d’exploitation (EBE) négatif, ainsi qu’une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 50 %. Le montant de l’aide s’élève à une proportion de l’opposé mathématique de la perte brute d’exploitation. Cette proportion s’élève à 70 % ou, pour les petites entreprises au sens du Règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 (entreprises qui occupent moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros), à 90 %.

La subvention est plafonnée à 10 millions d’euros pour le 1er semestre 2021 au niveau du groupe de l’entreprise — dans ce contexte, un groupe est soit une entreprise n’étant ni contrôlée par une autre, ni ne contrôlant une autre entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 233-3 du code du commerce, soit un ensemble de sociétés et d’entreprises en nom propre liées entre elles dans les conditions prévues à cet article L. 233-3. Toutefois, l’aide versée peut être diminuée par la suite, en totalité ou en partie, lorsqu’il s’avère que le résultat net comptable dépasse l’EBE. Voici le dispositif en détail.

1ère condition : personne physique ou morale de droit privé

Comme pour le fonds de solidarité aux entreprises (FSE), cette aide concerne les personnes physiques et morales de droit privé résidantes fiscales françaises ayant une activité économique et remplissant les conditions suivantes :

  • – ne pas se trouver en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 ;
  • – pour les associations, être assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié ;

Deux caractéristiques de base sont toutefois spécifiques à cette aide aux coûts fixes :

  • – l’entreprise doit avoir été créée au moins deux ans avant la période éligible ;
  • – les entreprises exerçant à titre principal une activité de sociétés de holding ne sont pas éligibles

2ème condition : avoir bénéficié du FSE sur au moins un mois du bimestre concerné

Cette aide aux coûts fixes est accordée par bimestre et, ce, pour l’instant, sur le 1er semestre 2021. Complémentaire au FSE, elle nécessite d’avoir bénéficié du FSE sur l’un des deux mois du bimestre concerné — par exemple, il faut bénéficier du FSE de janvier et/ou de février 2021 pour que cette subvention complémentaire soit accordée pour le bimestre janvier/février 2021.

Le décret précise qu’il faut faire la demande d’aide dans les 15 jours suivants le versement du FSE au titre du second mois du bimestre concerné, soit par exemple dans les 15 jours qui suivent le versement du FSE au titre de février 2021 pour demander l’aide aux coûts fixes au titre du bimestre janvier/février 2021. Dans l’hypothèse où le FSE n’aurait pas été obtenu au titre du second mois de la période éligible, le délai est porté à un mois à l’expiration de la période éligible avec toutefois dans ce cas un délai particulier pour le bimestre janvier/février 2021 dont l’aide peut être demandée jusqu’au 25 avril 2021.

3ème condition : avoir un « excédent » brut d’exploitation négatif

Etre en perte brute d’exploitation — c’est à dire avoir un excédent brut d’exploitation (EBE) négatif — constitue l’un des facteurs majeurs d’éligibilité à l’aide sur les coûts fixes. Le décret précise que c’est à l’expert-comptable de calculer, et d’attester, à la suite d’une mission d’assurance de niveau raisonnable, l’EBE à partir du grand-livre ou de la balance générale — l’intervention d’un expert-comptable est donc obligatoire dans tous les cas. L’entreprise doit également fournir à l’administration la balance générale 2021 pour la période éligible et 2019 pour la période de référence. L’EBE se calcule de la façon suivante :

« EBE = [Recettes + subventions d’exploitation – achats consommés – consommations en provenance de tiers – charges de personnels – impôts et taxes et versements assimilés].

En pratique, cette formule revient à effectuer la somme de l’ensemble des écritures des postes comptable suivants pour la période concernée :

EBE = [compte 70 + compte 74 – compte 60 – compte 61 – compte 62 – compte 63 – compte 64]

Dans la formule ci-dessus, le compte 70 correspond à l’ensemble des écritures présentes dans le grand livre de l’entreprise ou la balance générale pour la période concernée et imputées sur un compte commençant par 70. Les subventions d’exploitation comprennent notamment les aides perçues au titre du fonds de solidarité durant la période concernée. Les numéros de compte indiqués correspondent aux classes du plan comptable général, tel qu’il est défini par le règlement n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif au plan comptable général »

4ème condition : avoir subi une perte bimestrielle de chiffre d’affaires d’au moins 50 % par rapport à 2019

Pour être éligibles, les entreprises doivent avoir perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires durant la période éligible, c’est à dire pour le bimestre. Attention, le décret exige que la comparaison soit faite par rapport au même bimestre de l’année 2019.

5ème condition : avoir réalisé un chiffre d’affaires mensuel supérieur à un million d’euros…

En principe, les entreprises éligibles doivent avoir réalisé en 2019 un chiffre d’affaires mensuel supérieur à un million d’euros pour au moins l’un des deux mois du bimestre concerné. Par exemple, il faut un chiffre d’affaires supérieur à un million d’euros en janvier 2019 et/ou en février 2019 pour être éligible à l’aide au titre du bimestre janvier/février 2021. Toutefois, cette exigence peut s’apprécier sur la base de l’année 2019, c’est à dire qu’il faut avoir réalisé en 2019 un chiffre d’affaires supérieur à 12 millions d’euros. Elle peut aussi s’apprécier au niveau du groupe sur une base annuelle, c’est à dire qu’une entreprise faisant partie d’un groupe est éligible dès lors que ce dernier a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires supérieur à 12 millions d’euros. Pour les entreprises tenues d’avoir réalisé un certain chiffre d’affaires en 2019, il faut aussi satisfaire à l’une des conditions suivantes :

  • – avoir été interdites d’accueil du public de manière ininterrompue au cours d’au moins un mois calendaire de la période éligible ;
  • – ou exercer l’activité principale dans le commerce de détail et avoir au moins un de ses magasins de vente, situé dans un centre commercial comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, qui a fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public sans interruption pendant au moins un mois calendaire de la période éligible, en application de l’article 37 du décret n° 2020-1310 ;
  • – ou exercer l’activité principale dans un secteur de la liste S1 ou S1 bis (secteur mentionné à l’annexe 1 ou à l’annexe 2 du décret n° 2020-371 dans sa rédaction en vigueur au 11 mars 2021) ;
  • – ou exercer l’activité principale dans le commerce de détail, à l’exception des automobiles et des motocycles, ou la location de biens immobiliers résidentiels, et être domiciliée dans une commune mentionnée à l’annexe 3 du décret n° 2020-371

…OU exercer dans un autre secteur éligible

Les entreprises qui exercent leur activité principale dans l’un des secteurs suivants ne sont pas tenues d’avoir réalisé en 2019 un minimum de chiffre d’affaires pour bénéficier de l’aide aux coûts fixes :

  • – Restauration traditionnelle dans le cas des entreprises domiciliées dans une commune mentionnée à l’annexe 3 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
  • – Hôtels et hébergements similaires dans le cas des entreprises domiciliées dans une commune mentionnée à l’annexe 3 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
  • – Hébergements touristiques et autres hébergements de courte durée dans le cas des entreprises domiciliées dans une commune mentionnée à l’annexe 3 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
  • – Gestion d’installations sportives couvertes et activité des centres de culture physique ;
  • – Autres activités récréatives et de loisirs en salles couvertes ;
  • – Gestion des jardins botaniques et zoologiques ;
  • – Etablissements de thermalisme ;
  • – Activités des parcs d’attractions et parcs à thèmes

6ème condition : comparer (plus tard) le résultat net à l’EBE

Les entreprises qui ont bénéficié de l’aide aux coûts fixes, ne serait-ce qu’au titre d’un seul bimestre, doivent procéder à un travail supplémentaire ensuite — dans un délai d’un mois suivant l’approbation de leurs comptes au titre de l’exercice 2021, est-il indiqué —, celui de comparer le résultat net comptable à l’EBE sur l’ensemble de la période pour laquelle l’aide aux couts fixes a été demandée — à noter que le 1er alinéa de l’article 5 fait référence à une aide bimensuelle et non pas bimestrielle, ce qui est probablement une erreur. De plus, une attestation du résultat net comptable est produite par le commissaire aux comptes lorsque la loi impose qu’il certifie les comptes de l’entité concernée.

Cette comparaison fait ressortir un indu dans l’hypothèse où, sur l’ensemble des périodes au titre desquelles l’aide a été demandée, le résultat net comptable est supérieur à l’EBE. Le décret précise que cet indu est « égal à 70 % de la différence entre le résultat net sur l’ensemble des périodes au titre desquelles l’aide a été demandée d’une part, et la somme des excédents bruts d’exploitation sur l’ensemble de ces mêmes périodes d’autre part, dans la limite du montant de l’aide versée au titre du présent décret. Cet indu donne lieu à l’émission d’un titre de perception recouvré comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine ». Bref, l’administration fiscale pourra récupérer tout ou partie de la subvention versée.

 

© Editions Francis Lefebvre – La Quotidienne

Pour rappel voir notre précédent article sur : Le tribunal judiciaire de Paris accorde les titres-restaurant aux télétravailleurs