La Cour de cassation valide le barème Macron

 

 

Avec l’arrêt n° 21-14.490 du 11 mai 2022, la Cour de cassation valide le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron ». Les juges seront donc désormais tenus de l’appliquer strictement et ne pourront pas appliquer une indemnisation au cas par cas comme c’était le cas auparavant. Avec cette décision, la chambre sociale de la Cour de Cassation met fin à 4 années de bataille judiciaire.

 

Rappels sur le « barème Macron »: une bataille judiciaire

 

 

Pour rappel, en cas de contentieux prud’homal, lorsque le juge reconnaît qu’un licenciement est injustifié (sans cause réelle et sérieuse), il peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si le salarié ou l’employeur refuse cette réintégration, le juge attribue alors au salarié une indemnité à la charge de l’employeur selon un barème. Le montant de cette indemnité est compris entre un minimum et un maximum qui varient en fonction de l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise.

La décision de la Cour de cassation était très attendue. Elle clôt une saga judiciaire qui aura duré près de 4 ans.

En effet, pour rappel, le barème Macron a été introduit à l’article L 1235-3 du Code du travail par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. Il est applicable aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre de cette même année. Or, dès sa publication, le barème a fait polémique. Son application a alors fait l’objet de contestations devant les conseils de prud’hommes dès 2018. Le motif est qu’il  serait contraire à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne qui reconnaissent aux salariés dont le licenciement est injustifié un droit à une réparation adéquate et appropriée.

La Cour de cassation est ainsi venue préciser que le barème:

  • ne va pas à l’encontre de la Convention n°158 de l’OIT, qui prévoit en son article 10 que le juge a le pouvoir de décider de verser une indemnité adéquate ;
  • ne porte pas une atteinte disproportionnée à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) ;
  • ne peut être mis à mal par la Charte sociale européenne, qui n’a pas d’effet direct en la matière (pas d’effet contraignant).

Avec ce barème, combien peut-on désormais toucher suite à un licenciement abusif?

 

 

Comme nous le disions, le montant de l’indemnité est soumise à un plancher minimum et à un plafond maximum au-delà duquel les juges ne peuvent pas aller.

Pour une entreprise de 11 salariés ou plus, le barème d’indemnisation applicable est le suivant:

Ancienneté dans l’entreprise (en année) Montant minimal (en mois de salaire brut) Montant maximal (en mois de salaire brut)
0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et plus 3 20

Pour vous donner un exemple de lecture, un salarié ayant 10 ans d’ancienneté pourra obtenir une indemnité correspondant au minimum à 3 mois de salaire brut, et au maximum à 10 mois de salaire brut.

Cependant, pour les entreprises de moins de 11 salariés (TPE), une dérogation au plancher (montant minimal) est prévue. Ainsi, pour les salariés ayant jusqu’à 10 ans d’ancienneté, le montant minimum des dommages-intérêts est inférieur à celui prévu dans les entreprises de 11 salariés ou plus. Ce plancher est le suivant:

Ancienneté dans l’entreprise (en année) Indemnité minimale (en mois de salaire brut)
0 Sans d’objet
1 0,5 (donc 15 jours)
2 0,5 (donc 15 jours)
3 1
4 1
5 1,5
6 1,5
7 2
8 2
9 2,5
10 2,5

Ainsi, pour reprendre notre exemple précédent: un salarié ayant 10 ans d’ancienneté pourra obtenir une indemnité correspondant au minimum à 2,5 mois de salaire brut, et non plus 3, et au maximum à 10 mois de salaire brut. ,

Néanmoins, au-delà de 10 ans d’ancienneté, l’indemnité minimale prévue par le barème pour les entreprises de 11 salariés ou plus, s’applique aussi aux salariés des TPE (entreprises de moins de 11 salariés). Par conséquent, à partir de 10 ans d’ancienneté, le salarié a droit à une indemnité minimale égale à 3 mois de salaire en cas de licenciement abusif.

A noter également que le plafond est identique, qu’il s’agisse de TPE ou d’entreprises de 11 salariés ou plus.

Le simulateur suivant permet d’indiquer les montants minimum et maximum des indemnités pour dommages et intérêts pouvant être fixées par le juge prud’homal en cas de licenciement injustifié, sans cause réelle et sérieuse.

Qu’advient-il en cas de licenciement nul? Les indemnités sont-elles également plafonnées?

 

L’arrêt n° 21-14.490 du 11 mai 2022 stipule cependant que le barème ne s’applique pas aux indemnités en réparation d’un licenciement nul. En effet, l’absence de plafonnement est maintenue lorsqu’il s’agit de licenciements nuls. Il s’agit notamment des licenciements liés à :

  • la violation d’une liberté fondamentale (droit de grève, droit d’expression, droit de retrait,…);
  • des faits de harcèlement moral ou sexuel
  • En application d’une mesure discriminatoire ou à la suite d’une action en justice engagée par le salarié sur la base des dispositions réprimant les discriminations
  • la suite d’une action en justice engagée par le salarié sur la base des dispositions concernant l’égalité professionnelle entre hommes et femmes
  • la suite de la dénonciation d’un crime ou d’un délit
  • la violation des dispositions concernant les salariés protégés
  • la violation des dispositions concernant la protection des salariées enceintes, la protection des salarié(e)s durant les congés liés à la naissance ou l’adoption d’un enfant et la protection des salariés victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle

Dans ces cas, aucun plafond n’est applicable et le plancher, égal à 6 mois de salaire minimum, est inchangé. Il vise à compenser le préjudice subi. En effet, l’article L 1235-3-1 du Code du Travail laisse une plus large marge de manœuvre au juge, permettant ainsi une réparation appropriée du préjudice subi par le salarié  en accord avec l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT.

Suite à cette décision de la Cour de cassation, divers juges et experts s’inquiètent que ce barème soit préjudiciable pour les salariés ayant une faible ancienneté et proches de la retraite. Elle pourrait ainsi conduire les salariés et leur défense  à se placer, dès que possible, sur le terrain de la nullité du licenciement en invoquant par exemple une discrimination ou un harcèlement pour obtenir une meilleure réparation.

Source :  Code du travail, Editions Lefrebvre, Pourvoi 21-14,490 du 11 mai 2022 de la Cour de cassation

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