Pendant la crise sanitaire, les contrôles fiscaux ont été temporairement interrompus. Pour autant, votre entreprise doit se préparer à cette éventualité en s’informant sur ses droits et ses obligations afin d’en limiter les conséquences financières. Le point sur la législation et les décisions judiciaires récentes.

Anticipez le contrôle de votre comptabilité informatisée

En cas de difficultés, puis-je être accusé d’opposition à contrôle fiscal ?

Quand la comptabilité de votre entreprise est informatisée, le fisc peut effectuer son contrôle en procédant à des traitements informatiques des données conservées. Il doit alors vous donner le choix entre trois modes de réalisation de ces traitements. Vous pouvez, par exemple, choisir d’en réaliser vous-même tout ou partie, auquel cas le vérificateur vous précise les traitements à réaliser et les délais qui vous sont impartis. Votre choix doit être formalisé par écrit et vous gardez la possibilité de changer d’option jusqu’à l’expiration des délais fixés pour réaliser ces traitements.

Que se passe-t-il si vous réalisez certains des traitements demandés par le fisc mais avancez des difficultés techniques pour ne pas en réaliser d’autres ? Le fisc peut-il invoquer l’opposition à contrôle fiscal pour vous taxer d’office ?

La réponse de la justice

Le défaut de réalisation d’une partie des traitements demandés n’est susceptible de caractériser une opposition à contrôle fiscal que si deux conditions sont réunies. Il faut :

-que l’entreprise ait bien été informée de la possibilité qui lui est offerte de renoncer à son choix initial et de confier le traitement des données au vérificateur ;

-et que les traitements informatiques non réalisés par la société aient été véritablement nécessaires au contrôle de la comptabilité.

Quand ces conditions ne sont pas satisfaites : l’entreprise, qui a fait l’objet d’une procédure d’évaluation d’office, peut obtenir l’annulation de son redressement (CE 13 mars 2020, n° 421725).

Notre conseil. Ne pas répondre à la demande d’option du fisc pour l’une des trois modalités de contrôle, ou l’absence de documents comptables, est susceptible de conduire le vérificateur à considérer qu’il y a opposition à contrôle fiscal. Un acte grave particulièrement lourd de conséquences et qu’il faut à tout prix éviter.

Invoquez les garanties accordées par la loi

Les conclusions du contrôle sont-elles opposables au fisc ?

Lorsque, dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité ou d’un (examen de situation fiscale personnelle), le fisc prend position sur les points de contrôle, cette prise de position lui est désormais opposable. Cela signifie que le vérificateur se trouve engagé sur les points examinés lors du contrôle (ceux qui ont fait l’objet d’un échange avec le contribuable) et qu’un autre agent du fisc ne pourra plus revenir dessus lors d’un contrôle ultérieur.

De plus, les points examinés lors du contrôle n’ayant pas donné lieu à rectification sont considérés comme tacitement validés, sous réserve que le contribuable soit de bonne foi et que le fisc ait pu avoir accès aux documents pertinents. L’application de cette nouvelle « garantie fiscale » est donc exclue s’il est établi que la comptabilité est irrégulière et non probante.

En pratique. Cette garantie s’applique aux contrôles dont les avis sont adressés depuis le 1er janvier 2019. À l’issue du contrôle fiscal, le vérificateur doit expressément mentionner, sur la proposition de rectification ou sur l’avis d’absence de rectification, les points qu’il a examinés (même ceux non rectifiés) et qu’il considère comme conformes à la loi fiscale. La « garantie fiscale » est aussi susceptible de s’appliquer aux rectifications abandonnées pour des motifs de fond (du fait de l’acceptation tacite par le fisc des observations du contribuable ou suite à un recours hiérarchique…).

Comment me préserver d’un contrôle ultérieur ?

Pour plus de sécurité, vous pouvez avoir recours à la procédure de « rescrit-contrôle ». Elle est applicable seulement en cas d’examen ou de vérification de comptabilité. Elle vous permet de solliciter l’avis du fisc sur les points couverts par l’avis de vérification ou d’examen de comptabilité n’ayant pas fait l’objet d’un échange avec le vérificateur en cours de contrôle (pas d’interrogation précise du vérificateur à laquelle vous auriez apporté une réponse). Vous pourrez alors vous prévaloir pour l’avenir de la réponse écrite obtenue.

Notre conseil. Ne sollicitez pas abusivement le fisc sur tous les points vérifiés, car il risque de refuser de prendre position. Vous devez formuler votre demande par écrit avant l’envoi de la proposition de rectification. Soyez de bonne foi dans l’exposé des points visés par votre demande en apportant tous les éléments d’information nécessaires, car sinon la garantie ne jouera pas.

Le fisc peut-il renouveler son contrôle ?

Lorsque la vérification pour une période déterminée au regard d’un impôt ou d’une taxe est achevée, le fisc ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces mêmes écritures au regard du même impôt et pour la même période. En pratique, comment cette garantie joue-t-elle ?

Illustration. Une société clôturant son exercice le 30 avril a fait successivement l’objet de deux vérifications de comptabilité portant sur la TVA. En 2012 pour la période du 1er octobre 2010 au 31 juillet 2012, puis en 2014 pour la période du 1er mai 2012 au 30 avril 2013. Lors du second contrôle, le fisc remet en cause la déduction de la TVA portée sur une déclaration souscrite au titre du mois d’août 2012 correspondant à des opérations inscrites en comptabilité au cours de l’exercice clos le 30 avril 2012 et donc examiné lors du premier contrôle. L’interdiction de renouveler un contrôle peut-elle être invoquée ?

La réponse de la justice. La réponse est non. Cette garantie ne fait pas obstacle à ce que le fisc puisse contrôler lors d’une deuxième vérification la déductibilité de la TVA déclarée postérieurement à l’achèvement du premier contrôle alors même que le fait générateur de la taxe ou son inscription en comptabilité auraient eu lieu au cours de la première période vérifiée.

Le contrôle sur demande

Les petites entreprises imposables en BIC, BNC, BA ou IS peuvent solliciter l’intervention sur place du fisc pour opérer un contrôle fiscal sur des points précis visés par la demande (régime d’imposition applicable, modalités de détermination du bénéfice…).

Cette procédure très encadrée n’est pas assimilée à une vérification de comptabilité et n’en offre pas les garanties. Elle ne met pas non plus à l’abri d’un contrôle fiscal ultérieur. En revanche, les réponses formelles consignées dans le compte rendu final peuvent être opposées au fisc pour faire échec à une rectification. Les erreurs, inexactitudes ou omissions relevées lors ce contrôle sur demande peuvent être régularisées spontanément moyennant un intérêt de retard réduit.

Covid-19 : vous bénéficiez de nouveaux délais

Le fisc dispose-t-il d’un délai plus long pour me contrôler ?

L’interruption temporaire des contrôles fiscaux est certes une bonne nouvelle, mais elle s’accompagne aussi d’une suspension du délai de reprise du fisc dont les nouvelles modalités ont été fixées dans l’ordonnance 2020-560 du 13 mai 2020.

En clair, la période pendant laquelle celui-ci peut rectifier une erreur ou une omission est suspendue pendant la période du 12 mars 2020 au 23 août 2020 inclus (soit 165 jours). À l’issue de cette période, le délai de reprise recommencera à courir jusqu’à l’expiration du délai légal de 3, 6 ou 10 ans selon les cas. Sont uniquement concernées les périodes pour lesquelles la prescription est en principe acquise au 31 décembre 2020.

En conséquence : les revenus, les bénéfices et la TVA déclarés au titre de l’année 2017 pourront à titre exceptionnel être rectifiés par le fisc jusqu’à mi-juin 2021 à l’occasion de contrôles engagés dans la deuxième partie de 2020 ou en 2021 (avant l’expiration du délai de contrôle).

À savoir. Les contrôles fiscaux pourraient reprendre progressivement de manière échelonnée et adaptée à la situation de chaque contribuable, probablement pas avant la fin de la période dite « juridiquement protégée » maintenant fixée au 23 juin 2020 à minuit.

J’ai reçu une proposition de rectification avant le 12 mars. Est-il encore temps d’y répondre ?

Les procédures de contrôle ayant été figées, les délais ayant commencé à courir avant le 12 mars sont suspendus et recommenceront à courir à compter du 24 août 2020. Par exemple, si vous avez reçu une proposition de rectification le 5 mars 2020, vous aviez en principe 30 jours pour y répondre. Ce délai s’est arrêté de courir le 12 mars et recommencera à courir pour une durée de 23 jours (30 jours – 7 jours) à compter du 24 août.

Précision. Les délais qui ont commencé à courir à compter du 12 mars 2020 ne courront qu’à compter du 24 août. Par conséquent, si vous avez reçu une proposition de rectification le 14 mars 2020, le délai de 30 jours qui vous est imparti pour répondre ne commencera à courir qu’à partir du 24 août. De même, si le fisc vous adresse une proposition de rectification le 5 juillet 2020, le délai de 30 jours qui vous est imparti pour répondre commencera à courir à partir du 24 août (et non du 5 juillet).

Les délais de recours ont-ils été aménagés ?

Pas d’inquiétude si vous avez un litige en cours avec le fisc et que vous pouviez normalement engager un recours entre le 12 mars et le 23 juin 2020. En effet, les délais de recours applicables devant les juridictions administratives et judiciaires ont été prorogés.

Ainsi par exemple, si votre réclamation contentieuse en matière d’IS ou de TVA a été rejetée par décision expresse du fisc le 18 février 2020, vous aviez en principe 2 mois pour saisir les tribunaux. Ce délai de recours expirant entre le 12 mars et le 23 juin, vous disposez à nouveau de 2 mois à compter de cette date pour introduire une requête devant le tribunal administratif.

Le fisc risque-t-il de vérifier les aides dont j’ai bénéficié pendant la crise sanitaire ?

Si votre entreprise a été particulièrement touchée par la crise sanitaire, elle a pu sous certaines conditions bénéficier d’une aide financière de l’État au titre du fonds de solidarité. Lors de la demande devait notamment être jointe une attestation sur l’honneur certifiant que vous remplissiez bien les conditions requises. Les agents de la Direction générale des finances publiques sont autorisés à vous demander tous documents justifiant du respect de ces conditions et du calcul de l’aide (Ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020, JO du 23, art. 18).

Notre conseil. Conservez les documents pendant 5 ans. Vous disposez d’un délai d’un mois à partir de la demande des agents de l’administration pour produire ces justificatifs. En cas de réponse incomplète ou d’irrégularités, les aides perçues devront être restituées.

Quelques conseils pour aborder un contrôle plus sereinement

Certains signaux sont susceptibles d’alerter le fisc. Il est donc indispensable de les connaître pour éviter un redressement :

Respectez le formalisme fiscal. L’absence de dépôt de déclaration (TVA, déclaration de résultats…) ou le non-respect des délais sont souvent le facteur déclenchant d’un contrôle fiscal. Pour ne pas vous faire remarquer, veillez à respecter le formalisme et à soigner vos déclarations. Des erreurs, omissions ou incohérences répétées sont susceptibles d’attirer l’attention du fisc.

Anticipez le contrôle de votre FEC. Si votre comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, vous avez l’obligation de remettre au vérificateur dès le début du contrôle une copie du Fichier des Écritures Comptables ou FEC. Vous devez être prêt en amont en testant la conformité technique de votre FEC (un outil gratuit « Test Compta Demat » est disponible sur le site de la DGFIP rubrique contrôle fiscal) et en identifiant les anomalies comptables susceptibles de faire l’objet de questions de la part du fisc. La non-remise du FEC ou la remise d’un FEC non conforme sont sévèrement sanctionnées.

Passez en revue les points clés. Vérifiez que vous êtes en règle sur les points donnant le plus souvent lieu à des rectifications comme par exemple : l’exigibilité et la déduction de la TVA, la conformité des factures, la déduction des dépenses de l’entreprise (déplacements, repas, rémunération du dirigeant…), les amortissements, les provisions…

Corrigez vos erreurs. Si vous avez détecté des erreurs dans vos déclarations, profitez de votre « droit à l’erreur » en les corrigeant spontanément. Vous acquitterez alors un intérêt de retard réduit de moitié.