Les incidences fiscales de la clause de garantie de passif

Les conséquences fiscales de l’exécution des clauses de garantie de passif ou de révision de prix concernent essentiellement les impôts directs (IR et IS).

Ces conséquences fiscales ont suscité pendant longtemps beaucoup d’interrogations et d’incertitudes :

  • le cédant peut-il déduire les sommes versées de ses revenus imposables ou demander la révision de l’imposition dont il a fait l’objet sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres ? ;
  • le bénéficiaire de la garantie est-il de son côté imposable ou non sur les sommes perçues ? ;
  • les règles applicables sont-elles identiques quelle que soit la nature de la garantie accordée : garantie de bilan ou clause de révision de prix ?

La loi et la jurisprudence ont peu à peu apporté des réponses à ces questions, sans manifester toutefois un grand souci de cohérence car les solutions retenues diffèrent selon que les parties à l’opération sont des particuliers ou des entreprises. En outre, tous les problèmes susceptibles de se rencontrer dans la pratique ne sont pas encore réglés, en particulier lorsque cédant et/ou acquéreur sont des entreprises.

En matière de droits d’enregistrement, l’acquéreur peut demander, dans le délai de réclamation, la restitution des droits acquittés sur la fraction du prix des droits sociaux qui lui est reversée par le cédant à condition que la clause mise en jeu soit une clause de révision de prix.
S’agissant de la TVA, les sommes versées par le cédant ne sont pas à notre avis soumises à la taxe, quelle que soit la nature de la garantie accordée.

Situation du cédant

 

Pour le cédant, la mise en œuvre d’une clause de garantie de passif ou de révision de prix se traduit automatiquement par une diminution de la plus-value (ou une augmentation de la moins-value) réalisée lors de la cession. Les conséquences fiscales qu’il convient d’en tirer sont très différentes selon que le cédant est un particulier ou une entreprise.

Cédant particulier

Les particuliers qui, après avoir cédé des parts ou des actions, sont tenus d’exécuter une clause de garantie de passif peuvent, sous certaines conditions, demander le dégrèvement de l’imposition initiale qui s’est appliquée à la fraction de plus-value effacée par le reversement qu’ils doivent effectuer.
Cette possibilité leur est ouverte par l’article 150-0 D, 14 du CGI qui permet de procéder dans ce cas à un nouveau calcul de la plus-value.

Remarque : Réservé aux plus-values privées, l’article 150-0 D, 14 du CGI n’a pas vocation à s’appliquer lorsque le cédant est une personne physique qui cède les parts d’une société de personnes au sein de laquelle elle exerce son activité professionnelle et qui, de ce fait, relève du régime des plus-values professionnelles. Dans ce cas, les sommes versées devraient selon nous être soumises à un régime similaire à celui qui s’applique lorsque le cédant est une entreprise (n° 68120 s.). Autrement dit :

–  si on est en présence d’une clause de révision de prix : déduction d’une perte, soumise au régime des moins-values à long terme lorsque la plus-value constatée initialement était à long terme (avec, dans ce cas, le risque de voir tomber cette moins-value en non-valeur faute de possibilité d’imputation) ;
–  s’il s’agit d’une garantie de bilan de type indemnitaire : déduction d’une charge « personnelle » qui, si elle est constatée après que l’associé a cessé son activité, génère un déficit imputable sur le revenu global (extension de la solution admise par la jurisprudence pour les charges nées après la cessation d’activité d’un exploitant individuel.
 

Conditions de dégrèvement

 

L’article 150-0 D, 14 du CGI définit les conventions susceptibles d’ouvrir droit à dégrèvement de manière assez stricte. Même si l’administration fait une interprétation libérale de ce texte et semble décidée à en faire une large application, le cédant doit, lors de la conclusion de la vente, veiller à ce que la convention de garantie respecte certaines conditions, pour être sûr d’obtenir la restitution de l’impôt payé initialement au cas où la clause de garantie viendrait à jouer.
 
 
CARACTÉRISTIQUES DE LA CONVENTION
 
L’article 150-0 D, 14 vise les versements effectués « en exécution de la clause du contrat de cession par laquelle le cédant s’engage à reverser au cessionnaire tout ou partie du prix de cession en cas de révélation, dans les comptes de la société dont les titres sont l’objet du contrat, d’une dette ayant son origine antérieurement à la cession ou d’une surestimation de valeurs d’actif figurant au bilan de cette même société à la date de la cession ».
Cette formulation paraît au premier abord se référer à un seul type de clause : les clauses de révision de prix, qui ne peuvent entraîner une restitution supérieure au prix de cession et dont le bénéficiaire est nécessairement l’acquéreur. Mais le même article 150-0 D, 14, dans un second alinéa visant la situation de l’acheteur, qualifie les versements précédemment définis de sommes reçues en exécution d’une « clause de garantie de passif ou d’actif net ». On peut en conclure que le texte fiscal, ignorant les distinctions juridiques, n’entend pas faire de différence entre révision de prix et garantie de bilan de type indemnitaire. La doctrine administrative conforte cette analyse puisqu’elle admet l’application du dégrèvement lorsque le reversement de tout ou partie du prix de cession est effectué, non pas au profit de l’acquéreur, mais au profit de la société dont les titres sont cédés, afin de lui permettre, notamment, de combler le passif objet de la clause.
 

La loi définit par ailleurs restrictivement l’objet de la garantie comme suit : il doit s’agir de « la révélation, dans les comptes de la société dont les titres font l’objet du contrat, d’une dette ayant son origine antérieurement à la cession ou d’une surestimation de valeurs d’actif ». Là encore, l’administration fait une application extensive du texte légal en admettant que la convention de garantie de passif :

–  peut également garantir financièrement l’acquéreur contre le risque de révélation d’un passif ou d’une surestimation de valeurs d’actif dans les comptes d’une filiale de la société cédée ou bien dans les comptes consolidés de la société cédée et de ses filiales ;
–  produit les mêmes effets lorsqu’elle porte sur des éléments hors bilan de la société dont les titres sont cédés ou de l’une de ses filiales
 

Cela dit, même interprété de manière assez large, le texte légal ne couvre pas toutes les formules de garantie susceptibles de se rencontrer dans la pratique et laisse subsister un certain nombre de questions. Que se passe-t-il par exemple si le montant des sommes versées à la société au titre d’une garantie de bilan excède le prix de cession : le cédant peut-il alors déduire l’excédent de son revenu imposable au titre de l’année de paiement ? On notera que la jurisprudence du Conseil d’État intervenue sous le régime antérieur à l’entrée en vigueur de l’article 150-0 D, 14 s’opposait à l’imputation des sommes en cause sur le revenu global mais paraissait autoriser la constatation à due concurrence d’une moins-value imputable sur les plus-values de même nature.

 
ENREGISTREMENT DE LA CONVENTION
 
La possibilité pour les particuliers de demander le dégrèvement total ou partiel de l’impôt sur leur plus-value de cession implique que la clause de garantie soit incluse dans le contrat de cession ou, à tout le moins, dans une convention annexée à cet acte. L’administration souligne que la convention de garantie de passif doit constituer une condition essentielle de réalisation de l’opération. Les conventions de cette nature résultant d’un acte ou d’un avenant conclu postérieurement à la cession ne peuvent pas être prises en considération. À noter toutefois que le Conseil d’État ne paraît pas exclure la validité d’une clause de garantie de passif prévue par un avenant postérieur au contrat de cession si les données prises en compte dans cet avenant étaient susceptibles de révéler, à la lumière des modalités selon lesquelles avait été fixée la valeur des titres cédés, que cette valeur avait été surestimée. Encore faut-il démontrer une surestimation de la valeur des titres avant d’examiner si la clause de garantie contenue dans un avenant postérieur à la cession est une clause du contrat de cession.
Pour préserver son droit d’obtenir une restitution de l’impôt versé initialement en cas de mise en œuvre de la garantie, le cédant doit donc non seulement établir un acte de cession (ce qui n’est pas obligatoire lorsque les titres sont des actions), mais aussi faire figurer dans cet acte, ou dans l’une de ses annexes, le contenu de la clause de garantie. Les actes de cession de droits sociaux et leurs annexes étant obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement (CGI art. 635, 2-7°), le cédant prend ainsi le risque de fournir à l’administration des informations sensibles qu’il préférerait peut-être garder confidentielles, en particulier lorsqu’elles mettent en évidence la fragilité de la situation fiscale de la société cédée. L’intérêt réel du dispositif de dégrèvement peut en être sérieusement affecté : le cédant qui se porte garant de rappels d’imposition redoutés en espérant y échapper grâce au jeu de la prescription n’a par exemple aucun intérêt à révéler cette situation au fisc dès lors que les rappels d’impôt auxquels il s’expose seront plus élevés que le dégrèvement auquel il pourra prétendre en contrepartie.
Pour éviter ce genre d’inconvénient, peut-on envisager de n’inclure dans l’acte de cession que le mécanisme général de la garantie, en consignant ses modalités détaillées d’application dans un document séparé non enregistré ? La solution est à notre avis risquée car il est à craindre que l’administration refuse le dégrèvement demandé si elle s’aperçoit que la mise en jeu de la garantie ne procède pas des termes mêmes des documents enregistrés.
CARACTÈRE DÉFINITIF DU REVERSEMENT
 
Pour ouvrir droit à dégrèvement, le reversement imposé au cédant par la clause de garantie doit être effectif et présenter un caractère définitif. Cette dernière condition est remplie lorsque le passif ou la surévaluation de l’actif net garanti présente, pour la société dont les titres sont cédés, un caractère irréversible.
En cas de conflit entre les parties sur la portée de la clause et de saisine de l’autorité judiciaire ou d’une instance arbitrale, l’obligation du cédant ne revêt un caractère définitif que si toutes les voies de recours sont épuisées.
 

Modalités de dégrèvement

 

L’article 150-0 D, 14 du CGI dispose que le prix de cession des droits sociaux retenu pour la détermination des gains nets imposables doit être diminué du montant du versement effectué par le cédant en exécution de la clause de garantie. Autrement dit, il est procédé à un nouveau calcul de la plus-value sur la base du prix de cession initial diminué du montant du reversement effectué par le cédant, sans que cette nouvelle liquidation puisse toutefois, selon l’administration, avoir pour effet de dégager une perte nette. Mais, selon nous, rien ne justifie cette restriction qui ne résulte pas du texte légal : on ne voit pas pourquoi l’opération ne pourrait pas se solder par une perte après prise en compte du reversement du cédant.

 
Exemple : Des titres acquis pour 50 000 € sont cédés pour un prix de 100 000 €, le cédant réalisant à cette occasion une plus-value de 50 000 €. Deux ans plus tard, en exécution de la clause de garantie de passif incluse dans l’acte de cession, l’intéressé doit reverser 60 000 € à l’acquéreur.
Après prise en compte de ce versement, l’opération se traduit par une moins-value de 10 000 € : 40 000 (100 000 – 60 000) – 50 000 et non pas, comme le prétend l’administration, par un résultat nul : 50 000 (100 000 – 50 000) – 50 000 = 0 €.
 
Si une perte est finalement constatée, le cédant peut bien sûr obtenir le remboursement de l’impôt payé sur la plus-value initiale. Mais il peut aussi prétendre, le cas échéant, à l’imputation de la perte subie sur les plus-values de même nature réalisées au cours de l’année de cession ou au cours des dix années suivantes et demander un dégrèvement à due concurrence.
 
Le montant des versements effectués en exécution d’une clause de garantie de passif admis en déduction pour le calcul de la plus-value imposable est limité aux versements afférents à la période antérieure à la cession couverte par la convention de garantie de passif. Dans le cas d’une cession intervenue le 30 décembre N, des versements correspondant à des rappels d’impôt pour la période allant du 1er janvier au 30 avril N + 1 ne peuvent par exemple pas être pris en compte dès lors que la convention de garantie de passif ne vise que les dettes ayant leur cause ou leur origine dans des faits survenus avant le 31 décembre N.
La somme versée au titre d’une demande de mise en jeu de garantie de passif formulée après l’expiration de la convention de garantie n’est pas non plus admise en déduction pour le calcul de la plus-value imposable.
 

Dès lors que la clause de garantie de passif ou d’actif net est exécutée au cours d’une année postérieure à celle de la cession, la réduction ou le dégrèvement total de l’imposition initialement établie doit être demandé par le contribuable par voie de réclamation adressée au service des impôts.
Pour être recevable, cette réclamation doit être présentée à l’administration dans les délais prévus à l’article R 196-1, c du LPF, soit au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. Le délai se décompte ici à partir de la date à laquelle le versement effectué au titre de la garantie revêt un caractère définitif.

 
Exemple : Soit une cession de droits sociaux stipulant une clause de garantie de passif conclue le 16 juin N. L’impôt dû par le cédant est mis en recouvrement en N + 1.
En N + 2, le cédant reverse une partie du prix de cession à l’acquéreur en exécution de la clause de garantie dont la portée n’est pas contestée. Le cédant a jusqu’au 31 décembre N + 4 pour présenter une réclamation afin d’obtenir le dégrèvement de l’impôt payé en trop.
 

En l’absence d’une réclamation dans le délai imparti, tendant à la réduction de l’imposition de la plus-value mise à la charge du contribuable, celui-ci n’est pas fondé à demander au juge que la somme versée durant l’année N au titre de la garantie de passif soit imputée sur le complément de prix perçu durant l’année N + 2.
En cas de rejet d’une réclamation effectuée prématurément, avant que le versement opéré au titre de la garantie de passif présente un caractère définitif, le cédant peut justifier ultérieurement devant le juge de l’impôt du caractère définitif de sa dette
.

 
Au cas où la clause serait mise en jeu et exécutée l’année même de la cession, hypothèse sans doute exceptionnelle, aucune réclamation n’est nécessaire : le prix de cession à prendre en compte pour le calcul de la plus-value est immédiatement diminué du reversement effectué par le cédant et le montant de la plus-value, réduit d’autant, est déclaré dans les conditions de droit commun.

JUSTIFICATIFS À PRODUIRE

Les contribuables qui demandent la décharge ou la réduction de l’imposition initiale doivent, conformément à l’article 74-0 H de l’annexe II au CGI, fournir à l’appui de leur réclamation les pièces justificatives suivantes :

–  copie de la convention figurant dans l’acte de cession ou annexée à ce dernier mentionnant les termes de la clause de garantie de passif ou d’actif net ;
–  copie de tout document de nature à établir la réalité, la date et le montant du versement effectué en exécution de la convention ainsi que son caractère définitif.

Le service des impôts instructeur de la réclamation peut également demander au contribuable tout document qu’il estime utile à l’instruction de la réclamation.

 

Précision : Lorsque les versements sont effectués au profit de la société dont les titres ont été cédés, l’administration demande au cédant de produire à l’appui de sa réclamation :

–  tout document permettant d’établir que la somme a bien été versée à la société et encaissée par elle ;
–  tout document indiquant le traitement fiscal de cette somme par la société bénéficiaire.
 

Cédant entreprise

 

Lorsque le cédant est une entreprise, la loi ne lui permet pas, contrairement à ce qui est prévu pour les personnes physiques, de demander le dégrèvement de l’impôt acquitté sur la plus-value effacée par la mise en jeu de la garantie. Le principe de spécificité des exercices et d’annualité de l’impôt produit dans ce cas tous ses effets et confère un caractère définitif à l’imposition établie au titre de l’exercice de cession. La seule façon de corriger la surimposition consiste alors à déduire les sommes versées des résultats de l’exercice au cours duquel la garantie est exécutée. Une distinction doit être faite à cet égard selon qu’il s’agit d’une clause de révision du prix ou d’une garantie de bilan.
 
RÉVISION DE PRIX
 

Lorsque la convention prévoit une révision du prix de vente des titres, l’article 39 duodecies, 9 du CGI autorise l’entreprise cédante à déduire la perte subie à raison du reversement de tout ou partie du prix de cession. Cette perte est traitée, par symétrie avec le résultat dégagé lors de la cession :

–  comme une moins-value à long terme si la plus-value réalisée initialement avait le caractère de plus-value à long terme (avec, dans ce cas, le risque de voir tomber cette moins-value en non-valeur faute de possibilité d’imputation) ;
–  comme une perte ordinaire dans le cas contraire.

Lorsque la cession avait dégagé une moins-value, un complément de moins-value est enregistré.

GARANTIE DE BILAN
 

Ni la loi ni le Conseil d’État n’ont précisé le traitement fiscal applicable aux versements effectués au titre d’une garantie de bilan qui, d’un point de vue juridique, ont un caractère indemnitaire mais qui, d’un point de vue financier, peuvent être regardés, de fait, comme un remboursement du prix reçu de l’acquéreur. Selon l’approche privilégiée, la charge supportée sera considérée :

–  comme des dommages-intérêts déductibles du résultat de l’entreprise ;
–  ou comme une restitution du prix engendrant un résultat inverse de celui de la cession initiale, qui peut par suite être soumis au régime peu favorable des moins-values à long terme si la cession avait dégagé une plus-value à long terme (application des dispositions de l’article 39 duodecies, 9 du CGI).
 
Conseil : L’enjeu du problème a fort bien été résumé par Me J. Turot en ces termes : l’administration et le juge sont-ils prêts à admettre, au motif que la clause est rédigée en termes de garantie, que l’entreprise cédante peut déduire de son résultat ordinaire des sommes qui s’analysent, au plan économique, comme une restitution du prix et qui ont été taxées à l’origine au taux réduit des plus-values à long terme ? La question se pose avec encore plus d’acuité lorsque la plus-value de cession a été exonérée, ce qui est le cas par exemple lorsqu’il s’agit d’une plus-value de cession de titres de participation réalisée par une société soumise à l’impôt sur les sociétés.
 
Seuls les juges du fond se sont pour l’instant prononcés sur cette question. Selon la cour administrative d’appel de Paris, les sommes versées par le vendeur en exécution d’une garantie de passif ont, au moins pour la fraction excédant le prix de cession des titres, le caractère de dommages et intérêts et sont déductibles de son résultat imposable au taux plein. La cour administrative d’appel de Douai a pour sa part admis la déduction du montant total des sommes versées à ce titre. On notera que cette dernière solution est symétrique de celle retenue pour le traitement de l’indemnité chez l’acquéreur des titres lorsque celui-ci est une entreprise. Le Conseil d’État a en effet jugé que, dans ce cas, la somme perçue par l’acquéreur en exécution d’une convention de garantie de passif ne réduit pas le coût de revient des titres à inscrire à l’actif du bilan mais doit être comprise dans les résultats imposables dans les conditions de droit commun.
 
On notera pour terminer qu’il a été jugé que l’entreprise cédante peut constituer une provision dès qu’il apparaît probable, à la clôture d’un exercice, que sa responsabilité risque d’être engagée au titre de la garantie et que le montant des sommes à verser peut être évalué avec une approximation suffisante. Mais, bien entendu, une telle provision ne peut venir en diminution du résultat ordinaire que si on admet que l’indemnité versée a elle-même le caractère de charge déductible.

Situation du bénéficiaire de la garantie

 

Le traitement fiscal des sommes reçues en exécution d’une garantie de passif dépend du choix qu’ont fait les parties quant au bénéficiaire de la garantie, étant rappelé qu’il peut s’agir soit de l’acquéreur lui-même, soit de la société dont les titres sont cédés, soit encore des créanciers de celle-ci.
 

Acquéreur

 
Il faut distinguer selon que l’acquéreur des parts ou actions est un particulier ou une entreprise.
 
 
ACQUÉREUR PARTICULIER
Les sommes perçues par un particulier en exécution d’une clause de révision de prix ou d’une garantie de passif ou d’actif net ne constituent pas un revenu imposable. Mais, conformément aux dispositions de l’article 150-0 D, 14 du CGI, le montant perçu lors de la mise en jeu de ces clauses, vient en diminution du prix d’acquisition des titres à retenir pour le calcul du gain net réalisé lors de la cession ultérieure des titres. Autrement dit, la plus-value potentielle se trouve majorée (ou la moins-value réduite) d’autant.
Il en est ainsi même si le vendeur n’a pas demandé de son côté le dégrèvement de tout ou partie de l’imposition initiale dont il a fait l’objet.
 

Réservé aux plus-values privées, l’article 150-0 D du CGI n’a pas vocation à s’appliquer lorsque le bénéficiaire de la garantie est une personne physique qui a acquis des parts dans une société de personnes au sein de laquelle elle exerce son activité professionnelle et qui relève de ce fait du régime des plus-values professionnelles. Dans ce cas, les sommes perçues devraient semble-t-il être soumises à un régime similaire à celui qui s’applique lorsque l’acquéreur est une entreprise. Autrement dit :

–  s’il s’agit d’une garantie de bilan de type indemnitaire, constatation par l’acquéreur d’une recette professionnelle « personnelle » imposable à son nom ;
–  s’il s’agit d’une clause de révision de prix, réduction du prix de revient des parts qui servira ultérieurement au calcul de la plus-value.
 
 
ACQUÉREUR ENTREPRISE
 
Les règles applicables diffèrent selon que les sommes sont perçues en exécution d’une garantie de bilan de type indemnitaire ou d’une clause de révision du prix.
 

Le Conseil d’État a jugé à deux reprises que l’indemnité perçue par l’entreprise acquéreur en exécution d’une garantie de type indemnitaire fait partie du résultat ordinaire imposable après avoir relevé :

–  dans une première affaire, que la somme reversée par le cédant en exécution d’une convention postérieure à la cession n’avait pas en l’espèce le caractère d’une révision de prix ;
–  et, dans une affaire plus récente, qu’aucune disposition n’autorise à déduire des résultats imposables de l’acquéreur de titres les sommes dont il n’est pas contesté qu’elles ont été versées par le cédant en exécution d’une convention de garantie de passif.
 

Selon le Conseil d’État, l’acquéreur peut seulement constituer le cas échéant une provision pour dépréciation destinée à constater la diminution de valeur de sa participation due à la révélation du passif ou à la diminution de l’actif que l’indemnité a pour vocation de combler. On observera à cet égard que la diminution de l’actif net de la société acquise n’entraîne pas nécessairement une dépréciation de la valeur économique de ses titres, ce qui rend la constitution d’une provision très aléatoire au cas particulier. En outre, à supposer même qu’elle soit justifiée, la provision ne sera pas toujours déductible, soit qu’elle relève du régime des moins-values à long terme et ne puisse par suite être imputée que sur des plus-values à long terme, soit qu’elle concerne des titres de participation ou assimilés détenus par une société soumise à l’IS, dont la dépréciation ne peut pas donner lieu à déduction.

La mise en œuvre d’une clause de révision de prix consiste à évaluer à la baisse la valeur des droits sociaux acquis, donc à réduire le prix initialement fixé et, par suite, le montant pour lequel la participation acquise est inscrite à l’actif du bilan de l’acquéreur. Il en résulte que les sommes perçues en exécution d’une clause de révision de prix (ou la réduction de la dette de l’acquéreur envers le cédant) restent sans incidence sur le résultat imposable de l’acquéreur puisqu’elles ont pour contrepartie directe une diminution de même montant du prix de revient pour lequel les titres sont inscrits au bilan. La doctrine administrative est en ce sens et une lecture a contrario des décisions déjà citées du Conseil d’État du 24 avril 1981 et du 24 juin 2013 confirme cette analyse : dans ces affaires, c’est en effet après avoir relevé qu’on n’était pas en présence d’une réduction du prix de cession que le Conseil d’État a jugé que les sommes perçues par l’acquéreur en exécution d’une clause de garantie de passif étaient imposables.
Bien entendu, la réduction du prix de revient des parts ou actions sera prise en compte pour le calcul de la plus-value lors de la cession ultérieure des titres.
Pour l’acquéreur, la formule de la révision de prix présente ainsi l’intérêt de ne pas générer immédiatement de profit imposable (à moins bien sûr qu’il s’agisse d’un investisseur financier ayant acquis les titres en vue de les revendre rapidement pour réaliser une plus-value).

 
Attention : Le Conseil d’État s’en tenant à la qualification donnée à la garantie par les parties, celles-ci doivent porter une attention particulière à cette qualification lors de la rédaction de l’acte de cession des titres, compte tenu de l’enjeu fiscal. On rappelle que, dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation tend pour sa part à qualifier de clauses de révision de prix toutes les clauses de garantie dont l’acquéreur est seul bénéficiaire en l’absence de stipulation pour autrui consentie au profit de la société cédée.
 

Société cédée

 
Lorsque l’indemnité est versée à la société dont les parts ont été cédées, elle est en principe imposable dans les conditions de droit commun, en application de l’article 38, 2 du CGI, dès lors qu’elle entraîne une augmentation des valeurs d’actif. Le profit constaté est toutefois neutralisé si l’indemnité a pour objet de couvrir un passif dont la révélation se traduit par la constatation d’une charge de même montant fiscalement déductible. C’est le cas par exemple lorsque le passif révélé consiste en une dette qui n’avait pas été comptabilisée, en des dommages-intérêts dus à des clients à raison de livraisons antérieures à la cession ou en un rappel de cotisations sociales.
 

L’indemnité est-elle également taxable lorsqu’elle est destinée à faire face à une charge non déductible fiscalement, par exemple un rappel d’impôt sur les sociétés ? Elle ne devrait pas dans ce cas être comprise dans le bénéfice imposable de la société. Le Conseil d’État a en effet jugé que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d’actif, en vertu d’une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes imposables que si la perte ou la charge qu’elles ont pour objet de compenser est elle-même déductible des bénéfices imposables. S’alignant sur cette jurisprudence qui, certes, n’a pas été dégagée à propos d’une garantie de passif mais semble transposable à cette hypothèse, l’administration considère que lorsque la somme versée à la société cédée en application d’une garantie de passif a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible, cette somme ne constitue pas un produit imposable pour la société.

 
Illustrations : Dans l’arrêt du 12 mars 1982 précité, le Conseil d’État a considéré que les indemnités compensatrices de pertes ou de charges non déductibles versées en vertu d’une obligation de réparation contractuelle ne sont pas imposables. Selon le commissaire du gouvernement M. Schrameck, il n’y a en effet dans ce cas pas d’enrichissement du bénéficiaire au sens de l’article 38 du CGI, et, « dans un souci de neutralité fiscale, le versement obtenu ne devrait pas entrer dans la détermination du bénéfice imposable dans la mesure où il n’est ni générateur d’une plus-value, ni destiné à compenser des charges déductibles, ni effectué en remplacement de recettes taxables ». Dans cette affaire, il s’agissait de l’indemnité perçue par une société de l’assureur de son comptable en réparation des pénalités fiscales auxquelles elle avait été assujettie par suite des erreurs commises par ce dernier. L’arrêt relève que, en vertu de l’article 39, 2 du CGI, les pénalités ne sont pas admises en déduction du bénéfice imposable, et en déduit que l’indemnité perçue ne constitue pas une recette imposable.
Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt du 5 octobre 1988, où les faits étaient très différents : l’indemnité en litige avait été versée à l’entreprise par l’État, qui avait été condamné à réparer le préjudice que cette société avait subi par la faute des services de l’équipement dont le mauvais fonctionnement avait provoqué un retard dans la réalisation d’immobilisations et entraîné un surcoût pour cette réalisation.

 

Source : Edition Francis Lefebvre 2022 – Memento cessions de parts et actions

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