La crise liée à l’épidémie de Covid-19 a mis le télétravail sur le devant de la scène. Pour tenir compte du contexte sanitaire toujours fragile, de nombreuses entreprises avaient continué d’y recourir après le confinement. Depuis la rentrée, alors que le virus continue de circuler, le télétravail reste plus que jamais d’actualité. Marche à suivre.

Les contours du télétravail

Un outil de gestion de crise.

Pendant la période du confinement du 17 mars au 11 mai 2020, le télétravail était la norme pour tous les postes qui le permettaient. Le Premier ministre avait ensuite indiqué que le télétravail devrait se poursuivre quand il est possible.

Dans la perspective de la mise à jour du protocole national de déconfinement, au 1er septembre 2020, le télétravail devrait rester une pratique recommandée en tant qu’outil de prévention.

Travail hors de l’entreprise.

Il s’agit d’une forme d’organisation qui permet à un salarié d’effectuer son travail hors des locaux de l’entreprise en utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC). Le télétravail ne s’exerce pas nécessairement au domicile du salarié. C’est aussi possible dans des lieux tiers (ex. : coworking).

Métiers exclus.

La définition du télétravail exclut d’office certains salariés et certaines activités de son champ d’application : salariés commerciaux itinérants, salariés travaillant sur des chantiers, infirmiers à domicile, etc.

Accord commun indispensable.

Le télétravail implique toujours l’accord de l’employeur et du salarié (hormis le cas particulier de la force majeure, voir ci-après). Il est possible de convenir de le mettre en place dès l’embauche ou ultérieurement.

Régulier ou occasionnel.

Le télétravail peut être organisé de façon régulière (ex. : un jour par semaine) ou bien occasionnelle pour répondre à des besoins ponctuels.

Signer un accord ou élaborer une charte

Même si vous pouvez tout à fait mettre en place le télétravail sans accord collectif ou charte unilatérale (voir ci-après), vous pouvez préférer y recourir afin de poser des règles communes à tous vos salariés.

Négocier un accord.

L’accord d’entreprise organisant le télétravail est négocié selon les règles applicables à tout autre accord collectif. Dans les entreprises de moins de 11 salariés et celles de 11 à 20 salariés sans CSE, l’employeur peut directement soumettre à référendum auprès du personnel un projet qu’il a lui-même élaboré.

Opter pour une charte.

Si l’employeur opte pour la charte unilatérale, il doit au préalable recueillir l’avis des représentants du personnel (CSE), s’ils existent. Ni l’absence de CSE, ni leur avis négatif n’empêchent l’employeur d’adopter une charte.

Contenu de l’accord ou de la charte.

L’accord ou la charte doit prévoir :

-les conditions de passage en télétravail et celles de retour dans les locaux de l’entreprise (dans ce cadre, il est souhaitable de délimiter aussi les postes éligibles au télétravail) ;

-les modalités d’acceptation par le salarié du télétravail ;

-les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

-la définition des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le télétravailleur ;

-les modalités d’accès des travailleurs handicapés au télétravail.

Il est recommandé de compléter les clauses obligatoires par des mentions relatives à l’éligibilité au télétravail, au(x) lieu(x) du télétravail et aux règles de sécurité qui y sont applicables, au nombre de jours télétravaillés, à une période d’adaptation, aux règles de protection des données personnelles, à la prise en charge des coûts (voir ci-après), etc.

Accord direct avec le salarié

Formalisme très souple.

En l’absence d’accord collectif ou de charte unilatérale, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord « par tout moyen ». En pratique, même si un accord oral est possible, afin de prévenir toute difficulté, il vaut mieux le rédiger via le contrat de travail, en échangeant des e-mails ou des courriers papiers (lettre simple avec récépissé ou lettre recommandée, etc.).

Cas de recours.

Employeur et salarié peuvent se mettre d’accord pour du télétravail régulier ou occasionnel, par exemple en cas de circonstances exceptionnelles (grèves, intempéries, etc.), de situations personnelles spécifiques (salariée enceinte, personne handicapée, etc.) ou encore de pure convenance.

Exception : la force majeure.

En cas de circonstances exceptionnelles (ex. : menace d’épidémie) ou en cas de force majeure, le recours au télétravail peut être nécessaire à la continuité de l’activité de l’entreprise et à la protection des salariés. L’employeur peut alors imposer le télétravail, dont il fixe les règles au(x) salarié(s) concernés. Tel a été le cas au cours de la récente période de confinement obligatoire.

Le statut du télétravailleur

Comme les autres salariés.

Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. Il s’agit aussi bien des droits issus du code du travail que des droits prévus par les conventions et accords collectifs, qu’ils soient individuels ou collectifs.

Des obligations spécifiques.

En plus des obligations de « droit commun », l’employeur est tenu à l’égard du télétravailleur :

-de l’informer des restrictions à l’usage des TIC et des sanctions applicables ;

-de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

-d’organiser un entretien annuel portant notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.

À notre sens, l’employeur peut aussi se servir de l’accord ou de la charte pour mettre en œuvre ces obligations.

Accident du travail.

L’accident survenu sur le lieu et au temps du télétravail est présumé être un accident de travail ; le domicile ou le tiers lieu où s’exerce le télétravail est ici assimilé aux locaux de l’entreprise.

Prise en charge des frais professionnels

Le code du travail n’impose pas à l’employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement du télétravail. S’il existe un accord ou une charte à ce sujet, il est recommandé d’y régler la question des coûts (matériels, logiciels, abonnements téléphone et Internet, etc.). En matière de frais professionnels, le principe veut que les frais engagés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise doivent être supportés par ce dernier. À notre sens, c’est une obligation générale qui s’impose dans tous les cas de télétravail, qu’il résulte d’un accord collectif, d’une charte unilatérale ou juste d’un accord entre l’employeur et le salarié.

Par ailleurs, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 (étendu par arrêté du 30 mai 2006, JO du 9 juin) oblige à prendre en charge certains coûts en cas de télétravail « régulier ». Ce texte s’impose à vous dès lors que vous relevez d’un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CPME, UPA).

Selon cet accord, l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail. Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien. L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications.

Régime social.

Des justificatifs des dépenses sont en principe requis pour que le remboursement des frais professionnels engagés par le salarié au titre du télétravail soit exonéré de cotisations.

Toutefois, l’URSSAF admet un remboursement sous forme d’allocations forfaitaires exonérées de cotisations, sans avoir à fournir de justificatifs, dans la limite de 10 € par mois pour un jour de télétravail par semaine (20 € par mois pour 2 jours par semaine, 30 € par mois pour 3 jours, etc.).

En cas de remboursement dépassant ces limites, la fourniture de justificatifs reste nécessaire pour prétendre à l’exonération de cotisations.

Modèle : Proposer à un salarié de passer en télétravail

À … , le …

Lettre recommandée [1]

Objet : Passage en télétravail

M. … (civilité, éventuellement le prénom, nom),

Je vous propose d’effectuer votre travail en télétravail [2] pour le(s) motif(s) suivant(s) : …

Si vous acceptez cette proposition, les principales modalités de votre passage en télétravail seraient les suivantes [3] :

-période d’adaptation d’une durée de : … [3]

-lieu d’exercice du télétravail : …

-prise en charge des coûts relatifs au télétravail : …

Je vous prie d’agréer, M. …, l’expression de mes salutations distinguées

(signature)

[1] La lettre simple est possible. Pour des raisons de preuve, il est cependant conseillé de remettre ce courrier au salarié en main propre contre décharge ou de l’adresser en recommandé postal ou électronique.

[2] Attention, le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail

[3] Obligatoire uniquement pour les entreprises soumises à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.

Refuser le télétravail

En l’absence d’accord collectif ou de charte unilatérale, l’employeur n’a pas, selon nous, à motiver son refus au salarié qui demande à télétravailler. Toutefois, l’employeur doit motiver son refus lorsque le salarié est un travailleur handicapé ou un proche aidant d’une personne âgée.

En présence d’un accord ou d’une charte, l’employeur n’a pas à motiver son refus quand le poste du salarié est incompatible avec du télétravail compte tenu de l’accord ou de la charte. Il doit en revanche motiver son refus quand le poste du salarié est compatible avec du télétravail suivant les modalités prévues par le texte.

Dans le cas où l’employeur est tenu de motiver son refus, il doit donner au salarié une raison objective en s’appuyant sur des considérations tenant à l’intérêt de l’entreprise et non discriminatoires. Ainsi, si l’accord ou la charte liste les postes éligibles au télétravail et/ou les cas de refus possibles, l’employeur pourra bien entendu s’y référer. Le code du travail n’impose pas de forme particulière ni de délai à l’employeur pour formuler sa réponse. Il ne prévoit pas non plus de procédure spécifique qui permettrait au salarié de contester la décision de l’employeur. En pratique, l’accord ou la charte peut régler toutes ces questions.

Le défaut de motivation n’est pas spécifiquement sanctionné par le code du travail. Cela étant, le risque de contentieux aux prud’hommes est dans ce cas accru, en particulier si un salarié prétend avoir subi une discrimination.

Enfin, le salarié qui refuse de télétravailler ne peut pas être considéré comme fautif, et son refus ne peut pas justifier la rupture de son contrat de travail. Peut-être faudrait-il traiter différemment le salarié qui refuse de télétravailler dans un contexte de force majeure mais la question n’étant pas à ce jour tranchée par l’administration ou les juges, la prudence est de mise.

Gérer le télétravail sur le long terme

Mettre en place le télétravail sur la durée implique certains points de vigilance.

Le télétravailleur relève des règles de droit commun sur la durée du travail (ex. : 10 h/jour maximum) et des temps de repos. Toutefois, en pratique, le risque qu’il travaille « en permanence » existe. L’employeur doit donc en tenir compte d’une part, en rappelant les règles applicables et d’autre part, en veillant à ce qu’elles soient respectées. En cas d’horaire collectif, il peut ainsi le rappeler. Il est également recommandé d’établir un décompte formalisé afin de faire face à un éventuel contentieux. Si les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur doit décompter la durée du travail de chacun (ex. : système auto-déclaratif par mails).

Autre point à surveiller : le droit à la déconnexion, dont bénéficie chaque salarié, y compris le télétravailleur. En substance, ce droit implique que le salarié n’est, en principe, pas tenu de répondre aux sollicitations professionnelles en dehors de ses heures habituelles de travail. Dans le cadre du télétravail, cet écueil peut être évité en définissant des plages horaires pendant lesquelles les salariés sont joignables, par exemple, par le responsable ou les clients.

Enfin, l’employeur peut mettre à profit le passage au télétravail pour évaluer les besoins en formation de ses salariés aux technologies de l’information et de la communication (TIC ; ex. : visioconférence). Le cas échéant, cela l’obligera à ajuster son obligation envers chaque salarié d’adaptation au poste de travail . Par ailleurs, il est recommandé de rappeler les règles de sécurité informatique aux télétravailleurs notamment pour protéger les données personnelles traitées par l’entreprise.