La vie privée du salarié vient souvent s’immiscer dans la sphère professionnelle, ce qui peut entraîner des confusions sur ce que son employeur est en droit de faire. 

Le salarié sur son ordinateur

Admettre un usage raisonnable

En tant qu’employeur, vous avez un droit de regard légitime sur l’activité de vos salariés qui doivent exécuter loyalement la prestation de travail pour laquelle vous les rémunérez. C’est pourquoi il est judicieux d’encadrer, en fixant les conditions et limites, ainsi que de contrôler l’usage qu’ils font des outils de communication, notamment de leur ordinateur professionnel (messagerie, fichiers, connexions Internet).

Cela étant, une interdiction générale et absolue d’utiliser l’ordinateur professionnel à des fins privées serait excessive. Seules certaines contraintes spécifiques peuvent légitimer une telle interdiction, voire un blocage de l’accès à l’outil (ex. : sécurité informatique ou confidentialité des données traitées).

Comment fixer les règles ?

Pour éviter les abus dans l’usage des outils informatiques et pouvoir invoquer un document de référence envers le salarié en cas de conflit, rédigez plutôt une charte informatique autonome que vous pouvez décider d’annexer ou non à votre règlement intérieur si vous en avez un (obligatoire à partir de 50 salariés).

En tout état de cause, vous devez respecter la procédure légale prévue en cas d’adoption ou de modification d’un règlement intérieur : consulter le CSE s’il existe, communiquer la charte à l’inspecteur du travail et respecter des formalités de dépôt et de publicité. Si vous modifiez la charte, vous devez suivre le même formalisme.

Que prévoir ?

Le texte du document peut notamment prévoir :

-les usages permis des moyens informatiques mis à la disposition des salariés par l’entreprise et leurs modalités d’utilisation ;

-le rappel des règles de protection des données personnelles ;

-les règles de sécurité auxquelles les salariés doivent se conformer (ex. : interdiction de confier son identifiant/mot de passe à un tiers, obligation de verrouiller son ordinateur dès que l’on quitte son poste de travail…) ;

-les moyens d’authentification utilisés par l’entreprise ;

-les sanctions encourues par les salariés s’ils ne respectent pas les règles édictées (notamment de sécurité et de protection des données personnelles).

Assurer vous que le salarié en a eu connaissance

Veillez à porter à la connaissance de vos salariés les règles mises en place via le règlement intérieur ou la charte informatique (ex. : affichage). Cela vous autorisera à prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de ceux qui ne les respecteraient pas.

Opérer un contrôle ?

Les fichiers, documents ou courriels contenus dans l’ordinateur professionnel de votre salarié sont présumés avoir un caractère professionnel. En conséquence, vous pouvez y accéder et les ouvrir en dehors de sa présence et vous en servir comme mode de preuve.

Attention, si le salarié identifie ces éléments comme personnels (ex. : fichier intitulé « perso »), vous avez interdiction d’y accéder sans lui ou sans l’avoir prévenu, au nom du droit au respect de la vie privée, sauf risque ou événement particulier (ex. : la découverte de photos érotiques dans un tiroir du bureau d’un salarié n’est pas suffisant), ce qui en pratique est rare.

Quand le salarié dérape

Vous pouvez sanctionner un salarié qui :

-procède volontairement au cryptage de son ordinateur pour vous en empêcher l’accès ;

-pendant son service, utilise pour ses besoins personnels le matériel informatique d’un client, ce qui provoque une panne ;

-en tant qu’auditeur, consulte sur son ordinateur de nombreux comptes individuels par pure curiosité personnelle ;

-tente, en empruntant le mot de passe d’un autre salarié, de se connecter sur le poste informatique du dirigeant ;

-navigue sur de nombreux sites sans liens avec le travail : voyages, sorties, commerces, réseaux sociaux, etc. (ex. : un salarié a pu être licencié pour avoir effectué 10 000 connexions en 15 jours).

 

Le salarié et son téléphone

 

Téléphone professionnel

Comme pour l’ordinateur, il est préconisé de tolérer un usage personnel « modéré » ou « raisonnable » du téléphone professionnel fourni au salarié.

Cela étant, vous pouvez instaurer des limitations quant à son usage personnel, en vous appuyant sur des règles spécifiques mises en place dans le règlement intérieur ou une charte.

Dans ce cas, le non-respect de cette norme exposera le salarié à des sanctions (voir ci-contre).

Il est parfois possible d’instaurer une interdiction pure et simple de l’usage du téléphone professionnel a des fins personnelles. En pratique, cela concerne les emplois exigeant une vigilance particulière, ou bien une disponibilité permanente des salariés, auprès des clients ou des usagers (ex. : opérateurs de centres d’appel d’urgence ou d’assistance).

Quand le salarié dérape. Dans certaines situations, vous pouvez sanctionner un usage abusif du téléphone professionnel pour un motif personnel.

Par exemple, des salariés ont été jugés fautifs et ont pu être sanctionnés pour avoir :

-utilisé de manière répétée le téléphone professionnel pour des communications internationales (souvent plus de 15 minutes) ;

-persisté à user tous les jours quasi exclusivement le portable professionnel à des fins privées et à appeler des numéros surtaxés sans lien avec l’activité professionnelle.

 

Téléphone personnel

Rangé dans la poche ou posé sur le bureau, le téléphone portable personnel accompagne aujourd’hui la plupart des salariés dans l’entreprise.

Là encore, dans la mesure où vos salariés sont supposés consacrer leur temps de travail à leur activité professionnelle, vous pouvez poser un cadre à son utilisation. Ces restrictions doivent toutefois être « justifiées » par la nature de la tâche à accomplir et « proportionnées » au but recherché.

Exemples. Vous pouvez cantonner l’usage des mobiles aux pauses, sauf nécessité impérieuse (ex. : urgence). Par ailleurs, si le lieu de travail est partagé entre plusieurs salariés (ex. : open space), veillez bien à ce que l’usage du portable personnel ne nuise pas aux autres. Vous pouvez ainsi imposer aux salariés travaillant dans ces conditions de programmer leur portable en mode silencieux et de s’isoler pour téléphoner, si les locaux le permettent.

En revanche, il est plus délicat d’interdire complètement l’utilisation du téléphone personnel. Ce doit être limité à certains postes (ex. : chauffeur routier, personnel soignant). Le but étant ici d’assurer la sécurité des salariés et des tiers, de garantir la qualité et la continuité du service à la clientèle ou aux usagers.

Toutes ces modalités sont à inscrire dans le règlement intérieur ou la charte.

Le salarié sur les réseaux sociaux

Les comptes personnels fleurissent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin etc.). Pour vos salariés, la liberté d’expression est limitée s’ils en abusent et par l’obligation de confidentialité qui pèse sur eux.

Violence verbale

Sur les réseaux sociaux, vos salariés ne doivent pas abuser de leur liberté d’expression à votre égard.

Cette limite est franchie lorsqu’ils y tiennent des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de votre entreprise, de ses dirigeants ou de collègues de travail.

Si les propos tenus sont suffisamment graves, vous pouvez envisager une sanction disciplinaire. Par exemple, au sujet d’un salarié qui tenait ces propos sur Facebook dans le cadre d’une conversation avec un ancien directeur de l’entreprise licencié pour faute grave : « oui, c’est clair, cette boîte me dégoûte (…) », « ils méritent juste qu’on leur mette le feu à cette boîte de merde ». Le salarié a pu être licencié pour faute (CA Besançon 15 novembre 2011, n° 10-02642).

Confidentialité non respectée

Là encore, vous pouvez sanctionner votre salarié s’il porte atteinte à la confidentialité dont il est tenu à l’égard de l’entreprise en s’épanchant sur les réseaux sociaux.

Exemples. Un chef de projet export dans une entreprise de prêt-à-porter a pu être licencié pour faute grave car il avait publié sur son compte privé Facebook, ouvert notamment à des professionnels du même secteur, une photographie de la future collection. De même, un chef de projet dans le secteur recherche et développement d’une société fabricant des moteurs d’avion a pu être licencié pour faute à la suite de la publication, sur son compte Linkedin, d’images d’un moteur d’avion issues de documents internes et classées « confidentiel société ».

Incidence du caractère public ou privé des propos

Certains réseaux sociaux peuvent être « ouverts » ou « fermés ». Ainsi, le paramétrage du compte Facebook permet de savoir si les propos du salarié sont publics ou non.

Quand ils ont été tenus au sein d’un groupe fermé, accessible uniquement à des personnes agréées par l’administrateur du groupe et qu’ils ont été diffusés auprès d’un nombre limité de personnes (ex. : 14 personnes), ils relèvent alors d’une « conversation » d’ordre privé et ne sont en principe pas sanctionnables. Mais la donne est différente si le salarié a manqué aux obligations liées à la relation de travail (ex. : obligation de confidentialité).

En revanche, si les propos sont tenus sur un compte « ouvert au public » ou aux « amis et à leurs amis », ils sont publics. Il en est de même quand la session Facebook d’un salarié est volontairement ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise, rendant les conversations publiques et visibles de tous.

 

Le salarié en télétravail

Pas de surveillance abusive

Lorsque votre salarié travaille depuis chez lui, la frontière vie privée – vie professionnelle devient encore plus ténue. Contrôler son activité s’avère alors délicat, puisque vous devez veiller à respecter sa vie privée.

Sauf cas très exceptionnels (ex. : fort impératif de sécurité), les dispositifs de surveillance constante et permanente sont interdits. Cela concerne :

-les keyloggers (dispositifs qui permettent d’enregistrer à distance toutes les actions accomplies sur un ordinateur) ;

-le fait de demander à un salarié de se mettre en visioconférence tout au long de son temps de travail pour s’assurer de sa présence derrière son écran ;

-le partage permanent de l’écran ;

-l’obligation pour le salarié d’effectuer très régulièrement des actions pour démontrer sa présence derrière son écran comme cliquer toutes les x minutes sur une application ou prendre des photos à intervalles réguliers.

Par ailleurs, si le recours à la webcam ou à des appels téléphoniques est possible, il ne doit pas conduire à une surveillance excessive.

Usage de la webcam

De manière générale, il vaut mieux ne pas imposer au salarié en télétravail qu’il active sa caméra lors de visioconférences : dans la plupart des cas, participer via le micro est suffisant.

En principe, un salarié doit donc pouvoir refuser la diffusion de son image à cette occasion.

Seules des circonstances très particulières, dont vous devriez justifier (ex. : impératif élevé de sécurité), pourraient rendre nécessaire la tenue de la visioconférence à visage découvert.

 

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Source :  Editions Francis Lefebvre 2022 – Memento CSE